Votre métier est-il pénible ? Voulez-vous qu’on le reconnaisse comme tel ? Voilà des questions auxquelles l’État s’est mis en tête de répondre par « oui » ou par « non », à votre place. Mission impossible ? Oui.
Notre système de pension est en cours de réforme depuis une dizaine d’années. Des réformes dont une des finalités est de nous faire sortir le plus tard possible du marché du travail. L’âge de la pension a été porté de 65 ans à 66 ans à partir de 2025, à 67 ans à partir de 2030.
Des possibilités d’anticiper sa prise de pension à 60 ans existent, mais les conditions ont été solidement renforcées. En 2012, il suffisait d’avoir une carrière de 35 années. À partir de 2019, il en faudra 44 ! Il sera encore possible de prendre sa pension à 63 ans mais à la condition d’avoir travaillé 42 années durant.
Une fin de carrière à aménager
Trop rigide. C’est un cadre trop rigide. C’est l’avis des syndicats. C’est l’avis des experts de la Commission 2020-2040.
C’est aussi l’avis de l’UCM : l’âge de départ à la pension devait bien sûr évoluer à la hausse. C’est une évolution indispensable si l’on veut que les pensions continuent d’être payables par les actifs (puisque c’est notre modèle de financement en Belgique). Dans cette optique, il fallait réformer les âges et conditions de carrière. Mais chaque personne est différente, chaque travail est différent.
Une fin de carrière n’est pas l’autre, notamment chez les indépendants.
Certains indépendants n’ont pas de problème de poursuivre leur activité jusque 65 ou 67 ans, voire au-delà. D’autres indépendants, au contraire, peuvent être confrontés à des ennuis de santé, à une activité économique en déclin, à un commerce impossible à transmettre et dans lequel ils ne peuvent raisonnablement plus investir… Attendre 67 ans n’est pas toujours possible, ni socialement souhaitable. Une certaine souplesse est nécessaire.
Une centaine de facteurs à évaluer
Le Gouvernement fédéral, appuyé dans sa démarche par un rapport d’experts académiques, s’est mis en tête d’assouplir les conditions de sortie du marché du travail vers la pension. Sur quelle base ? Le critère retenu : avoir eu une carrière à ce point pénible qu’il n’est pas juste de devoir travailler jusqu’à l’âge de la pension.
Le ministre des Pensions, Daniel Baquelaine (MR), a obtenu du gouvernement de provisionner 40 millions € en 2019 et 70 millions € en 2020 pour financer ces sorties anticipées.
Mais c’était sans compter l’imagination des syndicats sur les nombreux facteurs à évaluer pour définir la pénibilité d’un travail. Des vibrations à la « surcharge cognitive » en passant par l’imprévisibilité du travail, c’est une centaine de facteurs liés à l’organisation, à la sécurité ou encore à la santé mentale qui doivent être passés au crible…
Et il faut aussi déterminer le niveau critique de ces facteurs, mettre en place des dispositifs de mesures et d’enregistrements pour chaque salarié, pour chaque agent de l’État, pour chaque indépendant, etc.
Simplement infaisable
Les représentants des patrons, dont l’UCM, ont, dès le début des discussions relevé les dangers d’une telle entreprise de classement des travailleurs. Parmi les principaux, soulignons :
- La création d’une frustration très grande pour les travailleurs dont on considérera à l’avance que – quoi qu’ils fassent – leur activité professionnelle n’est et ne sera pas jugée usante.
Cette frustration serait d’autant plus courante que très peu d’études permettent d’objectiver les limites entre une carrière pénible et non pénible.
- L’incroyable lourdeur administrative qu’impliquerait la mise en œuvre de grilles d’analyse individuelle de la pénibilité tout au long de la carrière de chaque individu futur pensionné. Sans parler du coût…
Les Français en reviennent
En 2014, l’Etat français s’est essayé au « compte pénibilité ». Mais le président Emmanuel Macron a d’ores et déjà décidé de commencer à détricoter le modèle, comme il l’avait promis aux chefs de PME durant la campagne présidentielle.
L’UCM compte continuer à prôner d’autres voies que le compte pénibilité en Belgique. Et ces voies existent :
- Mettre en œuvre une flexibilité générale pour le départ à la pension
Cela passe par la mise en œuvre d’un système à points, de la notion d’âge normal de prise de pension (âge de pension lié à la durée de carrière), d’une « fourchette » de liberté par exemple de deux ans, et d’un mécanisme de bonus/malus responsabilisant. Avec ces mécanismes, chacun peut décider de sa date de prise de pension dans un cadre responsabilisant et juste. - Accentuer si nécessaire la prise en compte de la longueur de la carrière lorsqu’il s’agit de déterminer le moment de la prise de pension.
- Éventuellement mettre en œuvre des dispositifs simples de prise en compte de la pénibilité pour des situations objectivables comme les carrières exercées la nuit ou dans le cadre d’un travail à pauses.
- Investir dans la protection et la prévention au travail, en vue de réduire encore les expositions aux facteurs de risques pour la santé.
Affecter les budgets dégagés par le Gouvernement à ces quatre axes d’amélioration, voilà qui pourrait constituer des solutions simples, faisables et efficaces en vue de limiter les impacts – il est vrai – excessifs de l’augmentation linéaire des conditions de départ à la pension.
C’est le message qu’UCM continuera de porter au Comité national des pensions au nom des indépendants et des chefs de PME.
En savoir plus :
- Article dans Les Échos, Compte pénibilité : Matignon met fin à « l’usine à gaz »
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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