La Cour constitutionnelle juge non-discriminatoire un taux d’intérêt de retard plus élevé pour le contribuable que pour le fisc. Explications.
La réforme de l’impôt des sociétés a baissé le taux d’imposition des sociétés à 25 et à 20 % pour les PME (taux réduit) sous certaines conditions. Pour financer sa réforme, le gouvernement Michel Ier avait approuvé toute une série de mesures compensatoires dont la hausse des intérêts de retard en cas de paiement tardif par le contribuable de ses dettes fiscales à l’impôt sur les revenus.
Les intérêts moratoires dus par le fisc (et donc l’État) au contribuable en cas de remboursement tardif sont depuis cette réforme moins élevés que les intérêts de retard dont vous êtes redevables au fisc.
La modification ne concerne que les impôts visés par le Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92) et le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus.
Concrètement, elle concerne donc :
- l’impôt sur les personnes physiques;
- l’impôt des sociétés et l’impôt des personnes morales;
- l’impôt des non-résidents;
- les précomptes;
- la taxe sur la circulation des véhicules automobiles;
- la taxe sur les jeux et paris;
- la taxe sur les appareils automatiques de divertissement;
- la taxe et la taxe additionnelle sur la participation des travailleurs aux bénéfices ou au capital de la société.
Elle ne concerne pas la TVA, ni les droits et taxes divers.
Le taux des intérêts de retard ne peut être inférieur à 4 % (taux minimum) ou supérieur à 10 % (taux maximum).
L’objectif du gouvernement fédéral est :
- de coller à la réalité économique et
- d’inciter le contribuable à payer ses dettes fiscales dans les délais légaux.
Ce taux minimum est également, non seulement « bon » pour le Trésor, mais garantit un recouvrement efficace de l’impôt.
Différence entre un intérêt moratoire et de retard ?
Un intérêt moratoire peut être dû par l’État en cas de remboursement d’/de:
- impôts, de précomptes;
- versements anticipés;
- intérêts de retard;
- accroissements d’impôts ou d’amendes administratives.
Le taux est égal au taux fixé en matière d’intérêts de retard conformément à l’article 414, §1er, alinéa 2 nouveau du CIR 92, diminué de 2 %.
Pour l’année civile 2019, le taux est donc de 2 %.
Comparatif de taux :
Année | Taux intérêts de retard dus par le contribuable |
2019 | 4 % |
2018 | 4 % |
Année | Taux intérêts moratoires dus par le fisc |
2019 | 2 % |
2018 | 2 % |
La Cour constitutionnelle a été saisie de cette question
Dans son récent arrêt du 29 novembre 2018, la cour a rejeté les recours introduits, estimant non – discriminatoire la nouvelle différence de traitement entre intérêts de retard et moratoires.
La Cour a eu à vérifier, en vertu du principe d’égalité des contribuables face à la loi si :
- des personnes se trouvant dans une même situation sont traitées différemment mais également;
- des personnes se trouvant dans des situations différentes sont traitées de la même façon.
Selon la Cour, la différence de traitement entre le fisc et le contribuable lambda repose sur un critère objectif, à savoir la qualité du créancier, qui est, dans un cas, l’État, lequel défend l’intérêt général, et qui, dans l’autre, peut être un particulier, lequel peut ne défendre qu’un intérêt personnel.
À l’instar de la présente décision, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’il n’était pas injustifié que l’État fixe, en ce qui concerne les intérêts moratoires dont il est redevable dans l’exécution de ses missions d’intérêt général, un taux inférieur de 4 % au taux d’intérêt applicable aux intérêts de retard que les particuliers doivent payer (arrêt Viaropoulou e.a. c. Grèce du 25 septembre 2014).
À l’UCM, nous avions regretté cette mesure que nous jugeons discriminatoire dans son principe. Nous ne contestons pas l’objectif de respect accru des délais fiscaux par le contribuable dans le paiement de ses impôts. Ce que l’UCM conteste, c’est le taux différencié entre les intérêts de retard et les intérêts moratoires.
Selon nous, cette mesure a un objectif essentiellement budgétaire. L’objectif d’incitation au respect des délais fiscaux est secondaire. Le pendant peut être fait avec la « taxe soda » instaurée dans le cadre du tax shift.
Un mauvais signal est donné aux contribuables par l’État : « Faites ce que je dis et pas ce que je fais ».
À titre de comparaison, en matière de marchés publics, l’UCM réclame de longue date le respect des délais de paiement par les adjudicateurs publics. Les délais pratiqués demeure inacceptable et mettent à mal la survie financière des entreprises réalisant le marché public.
L’État débiteur envers le contribuable doit se voir appliquer un intérêt moratoire au taux équivalent à celui des intérêts de retard appliqués au contribuable.
Une proposition que l’UCM formule également est d’imposer une compensation des dettes fiscales dues par le contribuables et le fisc.
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L'auteur.e de cet article
- Chargée de Communication chez UCM depuis 2009 et aujourd'hui responsable de la communication politique. Je veille à mettre en lumière le travail et l'expertise des conseillers du service d'études, toujours au service des entreprises wallonnes et bruxelloises.