Où « classer » les acteurs de l’économie collaborative ? Les free-lances ? Faut-il créer un 3e statut? L’UCM se penche sur ces questions.
Les plateformes d’économie collaborative cartonnent (activités se développant autour d’une plateforme numérique). En Belgique, Deliveroo fait rouler un millier de livreurs sans statut, Ubereats et Takeway les envoient à mobylette. ListMinut et d’autres nous permettent d’avoir rapidement l’aide d’un amateur ou d’un professionnel pour nos petits travaux dans la maison. Nestor, Cogito, MassageMe… Les plateformes CtoC et autres se multiplient. Et d’aucuns s’interrogent : ces coursiers sont-ils des indépendants? Sont-ils des salariés ? Relèvent-ils d’un troisième statut à créer ?
En parallèle, les activités indépendantes à titre complémentaire sont en progression constante. Plus de 260.000 aujourd’hui, sans compter les pensionnés actifs (105.000).
Ajoutant du grain à moudre à la mise en place d’un troisième statut, le gouvernement Michel met en place depuis juillet 2018 une législation prévoyant une exonération de toute obligation sociale et fiscale pour certaines activités dites « services accessoires par les particuliers » à concurrence de 500 €/mois. Donc, pour certaines activités (garde d’enfants, cours de musique, cours de sport, aide ménagère, petite maintenance informatique, …), les prestataires passant par la plateforme fédérale d’enregistrement « bijklussen » (sic) peuvent donc gagner jusque 500 €/mois sans devoir répondre aux obligations de sécurité sociale ou aux obligations fiscales.
1.100.000 indépendants en Belgique, certains s’en inquiètent
Le nombre croissant de starters indépendants est réjouissant. Certains pourtant s’en inquiètent vivement. Leurs préoccupations sont de deux ordres : sont-ils suffisamment protégés par leur sécurité sociale ? Ne sont-ils pas pour certains – pensons à certains free-lances ou aux livreurs indépendants – dans une situation de faiblesse par rapport à leur(s) donneur(s) d’ordre que d’aucuns pourraient qualifier de patron(s) ?
Concernant la protection sociale, le régime de sécurité de sociale des indépendants n’est plus celui d’il y a 20 ans. Les indépendants ont peu à peu obtenu une couverture sociale comparable à celle des salariés. Bénéficier d’un statut social d’indépendant n’est plus bénéficier d’un sous-statut.
Concernant la qualité des relations de travail (et l’éventuelle dépendance de certains indépendants), les pratiques de plateformes telles que Deliveroo posent question. Faire le choix du statut d’indépendant et de la sous-traitance implique que ce choix soit assumé par les parties et concrétisés dans les faits. Si des cas de fraude sociale et d’utilisation abusive d’un statut d’indépendant non voulu/non assumé (« faux indépendants ») sont constatés, ils doivent être détectés et la situation doit être régularisée. C’est aussi bien entendu une question de concurrence loyale. La loi sur la nature des relations de travail et la jurisprudence belge sont clairs sur les critères. Néanmoins, ces critères sont-ils suffisants ? Doivent-ils être adaptés ? Voir évoluer ?
Le cadre législatif actuel doit-il évoluer ?
Ces deux évolutions majeures (développement des emplois atypiques et renforcement du statut social d’indépendant) illustrent les défis de nos institutions et de nos sécurités sociales. Aujourd’hui, les législations évoluent, ou plus exactement suivent ces phénomènes en créant un cadre spécifique pour chaque phénomène. Et pourtant, la concurrence avec les indépendants, avec les entreprises est peu prise en compte. Et, des acteurs cow-boys se permettent de faire à peu près tout et n’importe quoi, également avec leurs « travailleurs ».
N’est-il pas l’heure de prendre un peu de hauteur, de déterminer une vision vers une intégration équilibrée ? Comment, en tant qu’indépendants et patrons de PME percevez-vous ces phénomènes ? Y voyez-vous aussi des avantages et pas seulement des inconvénients ? Comment assurer la « smart régulation » demandée par UCM ? Faut-il plus ou moins de régulation ? Comment faire en sorte que chacun, sur les revenus de son activité, participe de manière équilibrée à l’impôt et à la sécurité sociale ? Comment éviter que certains travailleurs emportés par le cadre léger de l’activité défiscalisée se retrouvent en difficultés quand vient l’accident ou la pension ? Bref, faut-il créer un troisième statut en marge du statut de salarié ou d’indépendant?
Nous en discutons avec une trentaine d’indépendants et chefs de PME ce lundi 19 novembre à Charleroi dans le cadre de nos ateliers #Mémorandum19. Des experts, Frédéric Naedenoen (ULg) et Martin Willems (CNE), seront également présents. Que vous y soyez ou pas, n’hésitez pas à laisser vos idées et commentaires ci-dessous.
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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