Boom des sociétés de management en Belgique : un modèle économique remis en question. Le nombre d’indépendants choisissant cette structure a quadruplé en quelques années. Le (futur) gouvernement s’apprête à durcir le ton. Enjeu : trouver le juste équilibre entre liberté d’entreprendre et lutte contre les abus fiscaux.
Qu’est-ce qu’une société de management ?
En Belgique, on désigne par « société de management » une entité dont l’objet social (le but) est de fournir des prestations de gestion ou de conseil à d’autres sociétés. Concrètement, il s’agit d’un professionnel indépendant qui décide d’exercer son activité non plus en personne physique, mais au travers d’une société. Il facture alors ses prestations de services par le biais de sa société. Et c’est donc cette dernière qui percevra les revenus dégagés de l’activité.
Ce type de société est particulièrement utilisé dans le domaine de la gestion, la consultance, ou encore l’assistance à d’autres sociétés.
Pourquoi tant de succès ? Avantages fiscaux des sociétés de management
Tout d’abord pour des raisons d’optimisation fiscale. Là où, en personne physique, l’entrepreneur verra son revenu imposé aux taux progressifs par tranche – pouvant rapidement atteindre 50% –, les revenus d’une société, seront soumis à un taux fixe d’imposition avec une base de 25% (pouvant même être réduit à 20% dans certains cas).
Une société peut également distribuer ses bénéfices par le biais de dividendes soumis à un taux d’imposition (précompte mobilier) réduit, sous certaines conditions (grâce notamment aux régimes VVPRbis/ter).
Enfin, depuis la réforme du droit des sociétés en 2020, il est plus aisé de créer une société à responsabilité limitée (SRL) car plus aucun capital minimum n’est désormais requis.
Les mesures discutées par le futur gouvernement
De manière évidente, le succès a été au rendez-vous. On estime qu’entre 2018 et aujourd’hui, le nombre de sociétés de management est passé de 26.000 à plus de 80.000. Une explosion qui a évidemment attiré l’attention du gouvernement : ces sociétés ont dès lors été dans le viseur des différents projets de réformes fiscales mis sur la table. Les « Super notes » du formateur Bart De Wever ne dérogent pas à la règle et continuent sur cette lancée.
La volonté des formateurs fédéraux est ainsi clairement énoncée : lutter contre l’utilisation abusive de sociétés à des fins purement fiscales. Dans ce sens, plusieurs mesures sont sur la table des négociations : suppression des régimes de distribution avantageux (VVPRbis/ter), augmentation et indexation annuelle du salaire minimum du dirigeant d’entreprise (qui est une condition requise pour l’obtention du taux réduit de 20%), …
Le but du futur gouvernement est de décourager l’usage de la société pour des raisons purement fiscales.
Quels impacts pour les PME et indépendants ?
Bien sûr, toutes ces mesures ne sont pour l’instant qu’à l’état de proposition. Cependant, l’idée est claire : le manque à gagner pour les recettes de l’Etat est assez flagrant et il faut rendre ce modèle économique moins attractif. C’est bien le « passage en société », au sens large, qui est visé dans les notes de formation du gouvernement, et non les seuls consultants exerçant leurs activités au travers d’une société.
Quelles peuvent être les répercussions de telles mesures sur les PME ? Risquent-elles de décourager le passage en société ?
Actuellement, une société ne remplissant pas les conditions requises pour bénéficier du taux réduit de 20% sera taxée à 25%. La suppression des taux réduits sur la distribution de dividendes peut entraîner des répercussions sur la manière de structurer la libération de son bénéfice ; cependant ces régimes ne s’appliquent pas automatiquement et nécessitent de remplir certaines conditions. En outre, d’autres dispositions, comme le régime des avantages toute nature (voiture, téléphone, etc), devraient toujours rester relativement attractifs.
Il est compliqué d’estimer avec précision les conséquences de telles mesures. Néanmoins, nous pouvons constater que même dans le pire des cas, la société restera fiscalement plus attractive comparée à l’exercice de la même activité en personne physique.
Notons que le formateur fédéral propose également l’introduction d’une « déduction pour entrepreneur », consistant en une déduction annuelle forfaitaire de 10% (maximum 10.000€) à déduire de son bénéfice imposable. Cette mesure vise à encourager et soutenir les entrepreneurs désireux de rester en personne physique.
En pratique, est-ce suffisant pour « décourager » le passage en société au regard de l’imposition subie en personne physique ? Pas certain.
L'auteur.e de cet article
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