Vous connaissez le « prix de l’amour » ? C’est cette sanction ressentie par le bénéficiaire d’allocations de chômage ou d’indemnités de maladie. Quand ? Quand il se remet en couple (perte du taux isolé). Ca doit changer. Mais en pratique, ce n’est pas si simple. Retour sur notre audition au Parlement fédéral.
Ce mercredi 20 septembre, UCM était auditionnée en Commission Affaires sociales de la Chambre. J’y représentais les indépendants et les PME, aux côtés de représentants de la FEB, la FGTB et la CSC.
Le thème du jour : l’individualisation des droits, plutôt pour ou plutôt contre ? Sous ces termes, on retrouve la question de savoir si tous, en tant que bénéficiaires de la Sécu, ne pourraient pas avoir droit aux mêmes indemnités. Ainsi, dans un système totalement individualisé, le demandeur d’emploi ou le/la malade en invalidité aurait droit à une même indemnité qu’il soit isolé, en couple ou avec des enfants à charge.
Actuellement, un indépendant en incapacité de travail reçoit une indemnité mensuelle qui s’élève à 1.543,62 euros s’il vit seul, à 1.183,78 euros s’il cohabite avec une personne qui a des revenus, à 1.947,92 euros s’il est chef de ménage avec enfants à charge.
Alors, faut-il oui ou non mettre fin aux taux « cohabitant », « isolé » et « ménage » avec enfants ? Et quel serait le montant « universel » ?
Les réponses doivent être nuancées.
Fondamentalement, UCM est favorable à une individualisation
Chaque salarié, chaque indépendant paye des cotisations sociales. Sans qu’il soit tenu compte de la composition du ménage. Au niveau du marché du travail, c’est devenu une évidence pour les jeunes générations que chacun, indépendamment du genre, doit veiller à faire une carrière la plus complète possible.
Il y a alors une certaine logique à offrir à chacun, aussi, un même niveau de couverture sociale, quelle que soit la composition du ménage.
Cela paraît égalitaire, et cela semble équitable et adéquat.
Et cela, d’autant plus, que l’on supprimerait toutes les interférences souvent mal vécues des changements de composition de ménage. Votre enfant quitte la maison ou vous vous remettez en couple, et hop votre allocation baisse d’un coup, parfois de 30%.
Dans la pratique, à chaque niveau de risque son niveau de protection
En réalité, quand les syndicats parlent du système purement sanctionnateur qui accable celui qui se remet en couple, et que ce système est juste une manière pour l’Etat de faire des économies, c’est excessif. Quelques nuances autour de l’individualisation :
- Pour ce qui concerne d’abord le taux « avec enfants à charge » : tout indique que cela vise des situations où les besoins sont plus élevés ; cela justifie une intervention plus forte de la Sécurité sociale. UCM est favorable au maintien de ce taux « avec enfants à charge »;
- En matière de pensions, les générations qui sont entrées sur le marché du travail, depuis les années 90, sont attentives à la constitution – pour chacun – d’une carrière professionnelle correcte. Le mécanisme des pensions au taux ménage (par lequel on efface la carrière de l’un des conjoints – le plus souvent la femme – pour survaloriser de 25% la carrière de l’autre conjoint) pourrait ne plus être appliqué qu’aux générations actuellement proches de la prise de pension. Question de transition loyale ;
- Enfin, concernant la gradation des montants, il faut malgré tout tenir compte du fait qu’un montant de 1.200 ou 1.300 euros est de nature à limiter les risques de grave pauvreté pour celui qui vit dans un ménage avec plusieurs revenus. Il y a une logique que ce montant soit plus élevé quand la personne vit seule, paye son loyer seule,… C’est la même logique de couvrir encore un peu plus la famille monoparentale avec un, deux, trois ou quatre enfants.
Du point de vue budgétaire, pas maintenant
Lors de l’audition en commission Affaires sociales, UCM a pu rappeler encore trois éléments fondamentaux dont il faut tenir compte avant de décider unilatéralement que le taux cohabitant pourrait disparaître purement et simplement.
Premièrement, la Sécurité sociale a pour objectif, à la fois de mutualiser les cotisations des travailleurs et employeurs du côté ONSS (et des indépendants du côté INASTI) et d’assurer une redistribution la plus optimale vers les bénéficiaires en fonction des risques sociaux rencontrés. L’objectif est de calibrer l’aide par rapport au risque de perte de pouvoir d’achat. Chaque euro mutualisé doit être utilisé avec soin.
Deuxièmement, outre la Sécurité sociale, l’état dispose d’un système d’Assistance sociale (CPAS, Grapa…). La Sécu doit être paramétrée pour éviter qu’un maximum de personnes n’aient un jour besoin de l’Assistance sociale. Mais les cas les plus graves (conjonction de plusieurs risques, carrière professionnelle très courte,…) peuvent être couvert en deuxième instance par l’Assistance. Les deux systèmes, Sécurité sociale et Assistance sociale, sont complémentaires. UCM demande qu’on ne fasse pas supporter par la Sécu la couverture des risques les plus extrêmes qui sont de la compétence de l’Assistance sociale. C’est une déviance sur les principes et une dérive non supportable en matière de dépenses.
Enfin, troisièmement, le momentum n’est pas idéal, c’est le moins qu’on puisse dire. Supprimer purement et simplement le taux cohabitant (transformé en taux isolé pour tous) coûterait au bas mot 2 milliards à la Sécurité sociale (donc à ses cotisants). Sous cette législature, de nombreuses mesures de dépense ont été décidées par le Gouvernement De Croo, mesures qui ne sont pas financées. Au premier rang de celles-ci, on trouve l’augmentation de la pension minimum à 1.700 euros : pas un euro de financement alternatif n’est prévu. Le déficit de la Sécu s’est accéléré sous cette législature avec une impression de fuite en avant : en 2024, l’ONSS demandera une opération de secours (dotation d’équilibre) à hauteur de 7,5 milliards d’euros, l’INASTI (indépendants) 0,7 milliard.
Le message d’UCM reste identique à celui que nous portons concernant la nécessité de mener des vraies réformes en matière de pensions : il faut d’abord reconsolider la Sécu, faire en sorte que cotiser y soit valorisé, et rendre ainsi la confiance des citoyens dans leur Etat et dans leur Sécu. Ensuite, on sera en mesure de décider d’éventuelles nouvelles couvertures sociales.
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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