Faut-il s’en réjouir ? Ce 10 juillet au petit matin, le gouvernement Vivaldi s’est accordé sur quatre mesures. Elles permettent semble-t-il d’aller récupérer les aides de l’Europe mais ne rencontrent pas le défi immense du vieillissement. D’ailleurs, les indépendants seront très peu impactés. Explications.
La Ministre des Pensions Karine Lalieux a sa réforme. Face à la nécessité de débloquer l’argent du plan de relance européen, le gouvernement devait trouver un accord. C’est désormais chose faite. Et cela porte principalement sur quatre mesures, dans un équilibre qui contente l’ensemble des partis de la Vivaldi. Pourtant, il s’agit bien ici d’une collection de mesurettes. Elles auraient d’ici 2070 pour effet de regagner à terme l’équivalent de 0,5 point de PIB (produit intérieur brut) sur les 5,2 points du coût budgétaire du vieillissement estimés par la Bureau Fédéral du Plan.
Le bonus : 22.645 euros pour une sélection de citoyens
Un bonus de pension sera mis en place à partir de 2024. Il s’agit d’un capital de +/- 7.000 euros (octroyé au maximum 3 fois) payable au moment de la prise effective de pension. Il est octroyé à tout citoyen qui continue son activité professionnelle une année supplémentaire alors qu’il pourrait prendre sa pension.
Deux exemples :
- Prenons un indépendant qui a débuté son activité à l’âge de 19 ans et qui n’a jamais eu aucun trou dans sa carrière. Il peut prendre (selon les règles actuelles) à partir à la pension à 62 ans avec 43 années de carrière (au lieu de 67 ans). S’il retarde sa prise de pension à 65 ans, il recevra à ce moment-là un capital bonus de 22.645 euros.
- Prenons la situation plus courante d’un indépendant qui a débuté son activité à l’âge de 25 ans, ou bien celui qui a dû faire appel à la dispense de cotisations sociales deux ou trois fois dans sa carrière (et durant la crise Covid), ou bien celui qui a connu une faillite ou un arrêt (autre qu’un arrêt de maladie), ou bien l’indépendant (ou plus souvent l’indépendante) qui a mis sa carrière en pause trois ou quatre ans pour s’occuper de ses enfants… Celui-là ou celle-là pourra prendre sa pension seulement à 67 ans, sans capital bonus. Alors oui, s’il ou elle continue à travailler et retarde sa prise de pension à 70 ans, il ou elle aura droit à un capital de 22.645 euros.
Ce bonus vise – et c’est un tort – la période de toute toute fin de carrière. UCM s’est dite favorable à un tel bonus en capital, mais seulement s’il est octroyé plutôt par tranche de 2.000 euros entre la 35e et la 45e année de carrière. Là, ce serait un vrai incitant pour relever le taux d’activité des 55-64 ans, avant l’essoufflement. Ici, comme certains l’ont dit, la Vivaldi vient avec une mesure spectaculaire, qui donne envie comme un gain à l’Euromillion, mais où on trouvera peu de gagnants chez les indépendants.
Moins de 1.000 indépendants visés par le doublement de la cotisation Wijninckx
Cette cotisation Wijninckx (taxe) vise les salariés et les dirigeants d’entreprise pour qui des primes de pension complémentaire (notamment dans un plan « Engagement individuel de pension – EIP ») sont payées leur permettant d’avoir une pension globale qui dépasse 93.000 euros par an. Ceux-là – et ça concerne moins de 1000 indépendants en Belgique – payeront à partir de 2028 une taxe de 6% plutôt que 3%.
Péréquation des pensions des fonctionnaires : un petit pas…
Les pensions des fonctionnaires augmentent plus vite que celle des autres statuts (indépendants et salariés). Elles sont non seulement indexées. Mais elles font aussi l’objet de la « péréquation ». Sous ce nom barbare, c’est l’idée que si les rémunérations de certains fonctionnaires encore actifs évoluent plus vite que l’index, les fonctionnaires pensionnés du même secteur voient leur montant de retraite augmenter alors à ce rythme plus élevé. Et c’est non seulement un coût supplémentaire élevé pour l’Etat, mais simplement une différence de traitement des citoyens qui n’est plus défendable.
Ici donc, rien ne change pour les indépendants. Et on note que cette péréquation sera prochainement plafonnée à 0,3% de la masse des pensions des fonctionnaires. Un petit pas dans le sens de l’harmonisation des régimes.
Pension minimum : meilleure prise en compte des congés parentaux
Cela touche bien entendu davantage les femmes, et aussi bien plus les salariées que les indépendantes. Les congés de type maternité, adoption, paternité, congé parental,… vont être pris en compte dans la condition de carrière pour avoir droit à la pension minimum. Outre la condition d’avoir une carrière globale de 30 années, une nouvelle condition va en effet être ajoutée prochainement : celle d’avoir au moins 20 années de travail effectif. Les durées de ces congés sont assimilées à du travail effectif.
Pour les indépendantes, c’est surtout l’unique trimestre de dispense de cotisation en cas de maternité qui est visé. C’est indispensable. Mais donc pas du tout ici non plus une mesure basculante.
A quand les vraies réformes ?
Ces mesures encore une fois sont disparates alors que les partenaires demandaient une réforme globale avec une vision pour une meilleure performance sociale et une soutenabilité plus grande. On n’y est pas.
Cette législature se clôture tout doucement. Et les 62% des indépendants qui s’inquiètent de savoir si l’Etat sera toujours en mesure, ces prochaines décennies, d’honorer le paiement des pensions, eh bien ils peuvent continuer à s’inquiéter.
UCM prépare sa vision des réformes des pensions, en vue de l’accord de gouvernement 2024-2029 :
- sociale,
- valorisant davantage le travail,
- et donnant davantage la main à chacun de choisir son moment de départ à la pension dans un cadre responsabilisant.
Stay tuned. #memorandumUCM2024
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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Ma femme a travaillé 27 ans comme indépendante de 1978 à 2005 avec la nouvelle loi Lalieux 2024 peut elle espérer un pension proportionnelle 3/5 eme de 1500 euros en 2027 ? Sur mypension elle n a toujours que 358 euros !!!
Voici les éléments de réponse que je peux vous apportez :
– Il reste actuellement une condition de 30 ans de carrière, c’est ce qui est annoncé par le gouvernement De Croo. Il faut regarder le cumul des années civiles validées dans les régimes de pension des indépendants ET des salariés. Vérifiez si cette condition est remplie.
– UCM déplore qu’on instaure une condition de 20 ans d’activité effective avec cette condition de 30 ans (ce qui revient à dire que celui qui n’a que vingt ans de carrière effective n’aura droit à la pension minimum (fraction) que s’il a pu bénéficier d’années de chômage ou d’invalidité…). On marche sur la tête. UCM participe aux débats sur les textes qui vont arriver au Parlement dans les prochaines semaines. Et nous demanderons qu’il n’y ait plus qu’une seule condition.
– MyPension n’intègre pas la pension minimale selon moi. C’est un développement encore à faire dans MyPension je pense. Donc ne tenez pas nécessairement compte du montant y indiqué qui ne porte que sur la pension « proportionnelle ».
– Je vous invite à vous adresser à votre Caisse d’assurances sociales ou à un point Pension, pour examiner la carrière globale et vérifier si les 30 ans sont atteints pour disposer de la fraction de 1500 € (en fait déjà presque 1700 €).
J’espère que cela rend les choses plus claires.