Les entreprises qui ont obtenu de « bons résultats » l’an dernier vont devoir octroyer une prime à leurs salariés. En théorie, c’est peut-être compréhensible. En pratique, c’est beaucoup plus compliqué.
« A la belge »
D’abord, on peut s’étonner de la manière dont la décision a été prise. D’abord, on constate que la crise frappe très durement les entreprises. Donc, on limite la progression des salaires (norme salariale à 0%). Sans toutefois toucher à l’indexation des salaires, mais en la compensant, partiellement seulement. Et dans le même temps, on impose le paiement d’une prime. Une prime sous conditions, mais sans les définir. Une prime sous une forme (chèque consommation) qui n’existe plus, mais ressuscitée pour l’occasion… Bien sûr, c’est un compromis politique. Mais on a parfois l’impression que le Gouvernement joue au chat et à la souris avec lui-même.
Critères flous
Sur le fond, la loi dit très peu concernant les critères qui permettent de déclarer quand la prime est dûe. Elle se limite à indiquer qu’une prime de 500€ maximum est dûe dans les entreprises qui ont réalisé un « bénéfice élevé » en 2022, et qu’une prime de 750€ maximum serait versée dans les entreprises où un « bénéfice exceptionnellement élevé » est constaté. Et c’est tout !
Le vrai débat n’a pas encore eu lieu
Pour trouver le sens de ces termes, le Gouvernement renvoie à des définitions qui devront être établies ailleurs. Où ? Dans les commissions paritaires. Donc, rien n’est clair à ce stade et c’est regrettable.
D’ailleurs, le niveau sectoriel n’est pas le bon niveau pour prendre ce type de mesure. Une commission paritaire rassemble des entreprises qui ont le même métier de base. Mais la crise a frappé différemment les entreprises, notamment en fonction de leur situation géographique, et bien sûr de leur taille.
C’est donc au niveau des entreprises qu’il aurait fallu laisser la décision d’octroyer une prime. Au lieu de renvoyer la « patate chaude » à des discussions (nécessairement très complexes) en commission paritaire.
Vice de forme
Autre défaut du système, la prime ne peut être octroyée que sous forme de chèque consommation. Le système devait cesser mais est réactivé pour les besoins de la cause. Donc, avec une cotisation patronale de 16.5%. Certes, ce n’est pas aussi « cher » que de la rémunération brute (jusqu’à 55% de cotisations patronales). Mais il aurait été intéressant de prévoir des possibilités d’octroi alternatives. Par exemple, les écochèques (brut = net).
Banc patronal sous pression
Nous en sommes donc au stade où les syndicats vont arriver en commission paritaire avec des exigences très élevées, que le banc patronal va devoir canaliser. En prenant au passage le rôle du « méchant de l’histoire ». Tout ceci augure de discussions difficiles qu’il faudra aborder avec sérénité. Mais c’est l’évidence, après 9 indexations sur les deux dernières années (dans certaines entreprises), tout ne sera pas possible.