Les chiffres intermédiaires du handicap salarial sont sortis. Et ils sont inquiétants : nos salaires augmentent 1,8% plus vite que chez nos voisins.
Un article co-écrit avec Charlie Tchinda (économiste statisticien au service d’études UCM).
La loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité (la fameuse « Loi de ’96 »), révisée le 19 mars 2017, impose au secrétariat du Conseil central de l’économie de publier un rapport sur l’évolution des coûts salariaux. Le but de ce travail est de monitorer l’évolution des coûts salariaux en Belgique en comparaison avec l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.
Tous les deux ans, ce rapport sert de base à l’accord interprofessionnel négocié par les partenaires sociaux. Cette année, il est intermédiaire et ne vaut qu’à titre d’information.
Constats interpellants
Les chiffres indiquent qu’entre 1996 et 2019, le handicap des coûts salariaux était négatif (-0,6%). Ce qui montrait une croissance plus lente en Belgique qu’ailleurs. Mais entre 2019 à 2022, la tendance s’est inversée : les coûts salariaux ont augmenté davantage en Belgique, créant ainsi un handicap de 0,9% en 2022.
Selon les prévisions (Banque Centrale Européenne – BCE – et Commission Européenne – CE – pour la zone Euro ; Banque Nationale de Belgique pour la Belgique), ce handicap devrait encore s’aggraver, pour atteindre 1,8% en 2024.
Combinaison de facteurs
Cette évolution est due à deux facteurs : une inflation plus forte en Belgique qu’en France et en Allemagne ; et une transmission plus rapide de cette inflation aux salaires en Belgique, par rapport aux Pays-Bas et à l’Allemagne.
L’inflation fluctuante en Belgique de 2020 à 2024 peut s’expliquer par une plus grande variabilité des coûts de l’énergie. L’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels est en effet un élément crucial dans ce contexte… Et elle est moindre en Belgique.
L’indexation automatique des salaires a également été plus rapide chez nous.
L’indexation : solution et problème
Cette quasi exclusivité mondiale expose la Belgique. Surtout lorsque le phénomène s’emballe comme ces dernières années. Quand l’inflation s’accélère, la Belgique est touchée plus vite et plus fort que ses voisins. La compétitivité d’une petite économie très exportatrice comme la nôtre s’en trouve alors menacée.
Le rapport met donc en lumière les risques récurrents de dérapage des coûts salariaux dus à l’indexation automatique des salaires. Si cette dernière est nécessaire pour protéger le pouvoir d’achat des travailleurs, il est primordial de freiner la transmission rapide des augmentations de prix aux salaires. Cela permettrait d’éviter que les épisodes de forte inflation fassent planer l’ombre d’une spirale prix-salaires, néfaste pour les entreprises et l’emploi.
Il est urgent d’ouvrir un débat sans tabous sur la réforme et la simplification du mécanisme d’indexation des salaires en Belgique. Des pistes existent : plafonner l’indexation, revoir la méthode de calcul ou le moment auquel on l’applique… Ces pistes sont explorées dans le mémorandum UCM .