Avenir des pensions – Des réformes et des questions déstabilisantes

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Très rudes débats en Commission des Affaires sociales au Parlement. Le projet de loi déposé par le Gouvernement Vivaldi portent des mesures imparfaites, parfois déstabilisantes. Les critiques et les questions n’ont pas manqué. Déstabilisantes elles aussi. Et souvent très justes. Compte-rendu.

Il y a des jours comme cela où écouter les débats à la Chambre devient tout à fait captivant. Pas juste pour les joutes oratoires. Mais bien pour le jeu démocratique sur des enjeux sociétés fondamentaux pour plusieurs générations.

Trois mesures étaient discutées, présentées par les Ministres Karine Lalieux (PS) et David Clarinval (MR) :

  • La mise sur pied d’un bonus-pension jusque 22.000 voire 33.000 euros pour ceux qui arrivent à travailler trois ans au-delà de leur date de prise de pension,
  • L’ajout d’une condition de 16 années de travail effectif (5.000 jours) pour accéder à la pension minimum de 1.700 euros, en plus de la condition de 30 ans de carrière,
  • Le plafonnement des mécanismes de surindexation (« péréquation ») des pensions de la fonction publique.

L’absence de réelles réformes structurelles des pensions et l’insécurité grandissante au niveau de la durabilité des régimes belges de pension ont nourri le débat en commission Affaires sociales de la Chambre. Aussi le caractère disparate, imparfait et parfois inéquitable des mesures sur la table.

Extraits choisis.

Bonus-pension
Tout cela est alléchant, mais qui y a vraiment droit ?

Pour UCM, le bonus peut être une bonne façon de valoriser les périodes travaillées, surtout si on l’applique sur toute la fin de carrière, disons sur la période 55-64 ans (là où le taux d’emploi en Belgique est problématique). UCM et d’autres partenaires sociaux ont déploré le fait que le bonus proposé porte sur les périodes au-delà de l’âge de prise de la pension, c’est-à-dire au mieux 62 ans, au pire 70 ans. Ce sont des âges où la très grande majorité aura de toute façon déserté le marché du travail.

L’effet, s’il y en a, est restreint. Le coût, lui, est certain et élevé.

« Le bonus a un coût élevé selon le Bureau du Plan. Y a-t-il un monitoring planifié pour vérifier s’il y a un effet ? Pour vérifier si cela ne touche pas que des personnes qui avaient déjà l’intention de travailler plus longtemps ? », Nahima Lanjri (CD&V), la Chambre des Représentants, 20 février 2024 après-midi.

« Le bonus-pension proposé vise les périodes travaillées après l’âge de prise de pension. Pourquoi n’avez-vous pas retenu un bonus-pension appliqué sur les périodes travaillées de 55 à 65 ans, pour un effet de levier activateur bien plus fort ? », Catherine Fonck (Les Engagés), la Chambre des Représentants, 21 février 2024 matin.

L’alternative évoquée en séance est l‘alternative proposée depuis juin 2023 par UCM, aussi relayée par le Comité de gestion du Statut social des Travailleurs indépendants (avis officiel). Mais à ce stade, elle n’est ni retenue, ni même examinée.

Pension minimum
Des carrières travaillées seront moins bien servies que certaines carrières assimilées

Pour UCM, c’est un pas dans la bonne direction d’exiger un minimum de carrière effective pour octroyer un avantage tel que la pension minimum. Un telle condition pourrait être étendue à d’autres volets des régimes de pension.

Le projet discuté actuellement à la Chambre a un talon d’Achille. C’est le fait que cette condition de 5.000 jours de travail effectif (+/- 16 ans) ne suffit pas. Il faut encore et toujours répondre à la condition initiale d’avoir 30 années de carrière (carrière travaillée ou constituée par assimilations). Incohérent et inéquitable, ce qui a été évoqué en Commission.

« La personne qui a 29 années de travail effectif et qui a donc cotisé pendant 29 ans n’a pas droit au mécanisme de la pension minimum, faute de répondre à la condition de 30 ans. Celle qui a 20 années de travail effectif et 10 années de périodes assimilées y aura droit. C’est une évidence qu’on a un souci, qu’on crée une inégalité qui ne valorise pas le travail effectif. », Catherine Fonck, la Chambre des Représentants, 21 février 2024 matin.

L’importance de régler très rapidement cette faille et d’autres difficultés en cas de carrière mixte (indépendant-salarié-fonction publique) a été soulevée par plusieurs partis.

Durabilité des régimes de pensions
Pas d’amélioration… même d’ici 2070

UCM comme d’autres mettent en évidence la perte importante de confiance des citoyens dans les régimes de pension. Dans notre dernier baromètre social, on voit que 61% des indépendants doutent de se voir un jour effectivement payer la pension promise.

L’absence de réformes structurelles vient renforcer ce sentiment. Et personne ne doute que les mesures prises sous cette législature (pension minimum, suppression du coefficient de correction, octroi de bonus,…) alourdissent encore la charge ces prochaines décennies.

« Les mesures ne suffisent pas pour que nos pensions restent soutenables et payables à l’avenir. », Nahima Lanjri, la Chambre des Représentants, 20 février 2024 après-midi.

« Les mesures d’amélioration des pensions prises en 2021 alourdissent dès aujourd’hui les dépenses à hauteur de 0,65 points de PIB (produit intérieur brut) selon l’analyse du gouvernement, et de 1,2 points de PIB selon l’analyse que fait pour l’instant l’Union Européenne. Vous prévoyez que les mesures proposées ont pour effet potentiel en 2070 une amélioration de la situation de 0,5 points de PIB. Cela ne couvre même pas votre estimation basse des nouvelles dépenses. », Wim Van der Donckt (N-VA), la Chambre des Représentants, 21 février 2024 matin.

Pour le package de mesures nouvelles en discussions, on parle de plus de 350 millions de dépenses en 2026. Et d’une potentielle diminution des charges en 2070. Quid entre ces deux dates ? Ce n’est pas clair.

Mémorandum UCM 2024
Améliorer et corriger le tir dés la prochaine législature

Au sortir de ces discussions parlementaires (qui se poursuivent ces prochaines semaines), autant dire que toutes ces mesures nous déstabilisent. Elles sont complexes, avec de nombreuses exceptions qui s’appliquent aux règles nouvelles. Elles comportent certaines sources d’iniquité et donc des sources de frustration.

On est très loin des mesures de réformes structurelles qui auraient dû mener :

  • Vers des pensions plus transparentes,
  • Vers un calcul davantage harmonisé et simple des pensions,
  • Vers une meilleure valorisation des périodes travaillées et cotisées, gage de soutenabilité.

Il faut allier simplicité des systèmes, performance sociale et soutenabilité financière. UCM continue de croire que c’est possible. UCM continue de peser pour des réformes structurelles, équilibrées et cohérentes. UCM a inscrit tout cela dans son Mémorandum 2024. A suivre !

L'auteur.e de cet article

Renaud FRANCART
La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
Renaud FRANCART

Renaud FRANCART

La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.

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