UCM est consultée sur une série de mesures, disparates. Nous demandons une réforme cohérente, compréhensible, sur la base d’une vision d’avenir. Explications.
« Sans réforme de la part des pouvoirs publics, les dépenses publiques de retraite de la Belgique vont passer de 12,2 % du PIB à 15 % du PIB en 2070, et dépasseront donc la moyenne de l’Union européenne de 12 % du PIB. En Belgique, (…) l’âge auquel on s’arrête de travailler est en moyenne de 60,5 ans, contre 63,1 ans au sein de l’OCDE. », communiqué de presse de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 14 juin 2022.
Pendant ce temps-là, le gouvernement Vivaldi s’est mis d’accord d’avancer sur quatre mesures en matière de pensions d’ici le 21 juillet. Quatre volets posés là, les uns à côté des autres, qui ont pour principal point commun d’être explicitement cités dans l’accord de Gouvernement De Croo :
- Les dernières années d’une carrière longue seront sur-valorisées par l’octroi d’un « bonus carrière longue ». Bonus de pension ;
- Il sera légalement possible de prendre sa pension à mi-temps. Pension partielle ;
- Le bénéfice de la pension minimum sera conditionné à un nombre minimum d’années de travail effectif. Pension minimum ;
- Les différences de montant de pension entre hommes et femmes feront l’objet de correction. Amélioration de la pension des femmes.
Des mesures encore à calibrer… et des objectifs diffus
Dans plusieurs organes d’avis, UCM est amenée à se prononcer. Tant dans le régime des indépendants (avis rendu cette semaine et bientôt publié sur le site de l’INASTI) que dans la sécurité sociale des salariés.
Triple difficulté :
- Les mesures ne sont pas encore calibrées : quel montant de bonus ? Quelles conditions pour sortir à mi-temps ? Quelle durée de carrière effective pour avoir droit à tout cela ?
- Les objectifs et la capacité d’atteindre les objectifs sont aussi diffus. Renforcer la performance sociale ? Rendre nos systèmes de pension plus durables ? Davantage soutenables ? Plus équitables ? Soutenir le marché du travail ?
- Dans ce cadre, il n’y a pas d’estimations de coûts ou des effets retours des mesures. C’est le flou budgétaire dans un contexte financièrement déjà très compliqué en sortie de crise(s).
A ce stade, nous voulons ré-insister sur plusieurs principes-clefs.
Principe : La soutenabilité passe par la valorisation du travail
Nos systèmes de pensions et leur financement sont basés sur la technique de solidarité-répartition. Les partenaires sociaux y tiennent.
Les cotisations sociales de l’année (et un appoint de l’Etat) financent les paiements de pensions de l’année. C’est la technique de « solidarité-répartition » pour nos pensions légales en Belgique.
Dans un tel cadre, les règles dans les régimes de pension doivent évidemment être pensées pour soutenir l’activité effective et le paiement de cotisations. C’est ce qu’on pourrait appeler la soutenabilité intrinsèque des régimes de pension.
C’est trop peu le cas. La mesure qui est envisagée pour l’été et qui conditionne l’accès à la pension minimum au fait d’avoir dans sa carrière une certaine activité effective (10 ans ? 20 ans ?) va dans le bon sens. Mais cela devrait s’inscrire dans une philosophie plus large qui touche l’ensemble de l’édifice des pensions.
Principe : Pas de résultats si pas de transparence
Très difficile d’atteindre les objectifs des mesures si les dispositifs mis en place restent opaques pour une grande partie des futurs pensionnés.
Nos régimes sont déjà extrêmement complexes. Comment faire les bons choix de carrière, comment s’assurer de l’avantage de rester actif un peu plus longtemps, si personne ne sait calculer les différences entre les options de carrière ? Si personne ne sait me montrer que mes cotisations valent la peine ?
A défaut de réforme structurelle des pensions, MyPension tente de nous accompagner dans ces choix. Il faut aller plus loin, notamment en affichant sur l’application MyPension les montants de pension constitués année après année. Aussi les éventuels bonus pour carrière longue.
Principe : Une fin de carrière n’est pas l’autre
Une fin de carrière n’est pas l’autre, et c’est encore bien plus le cas dans le chef des indépendants et indépendantes. Si l’activité économique n’est plus viable et/ou si la personne est plus rapidement frappée physiquement par des signes de vieillesse, comment s’en sortir ?
Une fin de carrière n’est pas l’autre. Aucune législation ne peut prévoir tous les cas de figure. Mais nos régimes de pensions peuvent être assez souples et responsabilisants pour offrir à tous une réponse satisfaisante.
C’est pourquoi, nous demandons que les règles de fins de carrière soient revues – disons réformées ! – en mixant :
- Un choix plus large pour chacun quant à la date de départ à la pension
Quelque 45% des indépendant-es s’inquiètent du report de l’âge à 67 ans. Et dénoncent massivement le caractère trop rigide des règles de départ à la pension anticipée (69%) ; - Un cadre responsabilisant, en appliquant des corrections actuarielles
Ils et elles sont 64% à souhaiter pouvoir anticiper plus librement leur pension, quitte à recevoir une retraite un peu plus faible en compensation de cette période de bénéfice un peu plus longue.
Nous souhaitons que les travaux de ces prochains mois entrepris par les ministres Karine Lalieux et David Clarinval au sein du gouvernement fédéral aboutissent de façon cohérente, avec un message clair sur les objectifs sociétaux et sur la vision d’avenir qu’ils portent. Et que l’OCDE puisse un jour s’en féliciter. Au boulot !
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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