En cette période de crise, cette nouvelle est presque passée inaperçue. Et pourtant, c’est sur un ton inhabituellement cinglant que la Cour constitutionnelle à annulé le revenu complémentaire de 6.000 € défiscalisé.
De quoi s’agit-il?
Depuis 2018, la loi permettait de « travailler » pour une association ou pour un autre citoyen, sans que les « revenus » de cette activité ne soient taxés. À condition de ne pas gagner plus de 6.000 € par an.
Rarement sous la précédente législature, projet gouvernemental n’avait tant fait l’unanimité contre lui. La concurrence déloyale avec les vrais entrepreneurs crevait littéralement les yeux. La différence de traitement avec les salariés avait chauffé les syndicats à blanc.
Chacun a donc dit tout le mal qu’il pensait de ce texte avant même qu’il soit voté. Rien n’y fit.
Des chiffres
Après un an d’application, de premiers résultats de l’application de la loi en 2018 nous sont parvenus. Le système a surtout séduit les salariés (75 % des prestataires). De plus le système s’est surtout développé en Flandre : 80 % des prestataires étaient flamands. En termes de montant, la majorité des gains par personne de 2018 se situait entre 500 et 1.000 €.
En termes de secteur d’activités, c’est le sport qui a capté 82 % des prestations. Ce secteur était d’ailleurs le seul qui était véritablement demandeur d’une solution pour ceux qui « donnaient un coup de main » sans être véritablement des « volontaires » au sens légal du termes.
Puis l’idée au germé au sein des partis de la majorité précédente jusqu’à créer un monstre de concurrence déloyale pour tous les entrepreneurs…
Cour constitutionnelle
Dès janvier 2019, les organisations patronales et syndicales ont attaqué la loi devant la Cour constitutionnelle. Elle vient de rendre sa décision d’annulation de la loi.
Les arguments soulevés par la haute juridiction ne surprennent guère. Il n’était pas raisonnable de traiter différemment ces prestataires et les vrais entrepreneurs. Considérer que les indemnités versées n’étaient pas de la rémunération allait beaucoup trop loin.
Et maintenant
Fini donc le régime du travail « associatif » et le régime avantageux des « prestations occasionnelles entre citoyens ». Il reste les prestations dans le cadre du troisième pilier, l’économie de plateforme.
Toutefois, l’annulation n’est pas immédiate. Les juges ont décidé de maintenir les effets de la législation annulée pour les prestations délivrées jusqu’au 31/12/2020.
Un « détail », encore
La Cour a annulé la loi mais renvoie l’économie collaborative (celle des prestations CtoC organisées sur des plateformes de mise en contact) à son cadre antérieur, la loi « De Croo ». Cette loi moins déséquilibrée prévoyait également un plafond de revenus et une imposition libératoire de 10 %, dans un cadre pouvant d’avantage servir de banc d’essai ou de tremplin à l’entrepreneuriat.
Rien ne laisse néanmoins penser que la Cour considérerait que ce cadre antérieur est parfait. Il devra être remis sur le métier. Nous veillerons à ce que les objectifs soient clairs, équitables, et que les dispositions soient adaptées par rapport à l’objectif.
La question des livreurs de repas à vélo et les entreprises qui les font prester reste, elle, entière, puisqu’il n’est absolument pas clair que les prestations réalisées pour ces entreprises sont des prestations « CtoC ». Et la Cour s’est en tout cas bien gardée de se prononcer ici sur le statut des livreurs. Salariés ? Indépendants ? Ce débat reste à trancher.