Le Parlement fédéral vient d’approuver une importante proposition de loi visant à introduire le concept d’abus de dépendance économique et encadrer certaines pratiques de marché dans les relations BtoB.
Face à l’évolution du monde socio-économique et le développement de nouvelles formes d’entrepreneuriat, il était devenu nécessaire d’adapter le cadre légal réglant les relations entre entreprises. De nombreux pays européens ont déjà prévu un cadre pour réguler les comportements abusifs, c’était une excellente opportunité pour la Belgique de suivre ce mouvement.
Cette réforme aura sans un impact positif sur les relations contractuelles. Elle permettra de renforcer certaines libertés fondamentales et de rencontrer plusieurs objectifs :
- encourager la liberté d’entreprendre ;
- renforcer le droit de la concurrence ;
- rétablir les rapports de force déséquilibrés vers des rapports « égaux » ;
- dénoncer les abus de certaines entreprises/fournisseurs ;
- soutenir les indépendants et PME qui sont souvent les premiers concernés par ce type de pratiques/abus.
Quels abus sont visés ?
Quatre pratiques de marché sont concernées :
- Les abus de dépendance économique,;
- les clauses abusives ;
- les pratiques de marché agressives ;
- les pratiques de marché trompeuses.
La notion de dépendance économique s’apprécie au regard de 2 critères :
- l’absence d’une alternative raisonnablement équivalente et disponible, dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables ;
- le fait qu’une entreprise puisse imposer des prestations ou conditions qui ne pourraient être obtenues dans des circonstances normales de marché.
On constate un abus de dépendance économique en cas d’existence d’une position de dépendance économique, une exploitation abusive de cette position ET une affectation de la concurrence sur le marché belge ou une partie substantielle de celui-ci.
En cas de position abusive, les entreprises concernées, les autorités professionnelles, les groupements professionnels ou interprofessionnels pourront porter plainte auprès de l’Autorité belge de la concurrence. Les sanctions peuvent être les suivantes : procédure de clémence (coopération pour établir l’infraction et identifier les auteurs), procédure de transaction ou mesures de protection des informations confidentielles.
En outre, deux listes (pages 36 et suivantes) sont établies concernant les clauses abusives. Une liste noire de clauses interdites et une liste grise, qui reprend des clauses présumées abusives, sauf si l’entreprise fournit la preuve que ce n’est pas le cas.
À titre d’exemple, sont abusives les clauses qui permettent à l’entreprise d’interpréter de manière unilatérale une clause du contrat. On pense ici à la manipulation de classement par certains moteurs de recherche sans aucune indication de raisons objectives. Est présumée abusive, la clause qui permet d’ autoriser l’entreprise à modifier unilatéralement sans raison valable le prix, les caractéristiques ou les conditions du contrat.
Enfin, un cadre légal est défini pour lutter contre les pratiques déloyales et agressives.
Qui est concerné ?
Bon nombre de secteurs sont concernés. Nous pensons notamment à l’économie de plateformes, les concessions automobiles, les libraires, les agences bancaires ou encore les indépendants qui travaillent avec un seul client.
L’économie de plateformes est un bon exemple de ces nouvelles formes d’entrepreneuriat. Par exemple, dans le cas des coursiers de Deliveroo, outre la question du statut social, se pose également la question de la manière dont le lien économique entre les deux parties est régi.
À l’instar de ce qui a été fait dans le cadre de la franchise, il est essentiel que l’État régisse la relation économique entre deux parties lorsque le rapport de force entre elles n’est pas équilibré.
Outre Deliveroo, d’autres cas existent, tels que Amazon, Ali Baba… où la plateforme est un canal essentiel pour l’entreprise qui souhaite vendre ses produits. De telles plateformes sont quasi incontournables pour pouvoir bénéficier d’un rayonnement intéressant en termes de canal de vente. Lorsqu’une entreprise a intégré ce canal de vente dans sa stratégie, elle se retrouve pratiquement liée à l’opérateur de la plateforme, qui peut alors changer les conditions commerciales en cours de collaboration.
Contrats futurs
L’entrée en vigueur se fera par étapes : dans un délai de 3 mois pour les pratiques de marché déloyales et agressives, de 12 mois pour l’abus de dépendance économique et de 18 mois pour les clauses abusives. Concernant les clauses abusives, cette nouvelle législation ne s’appliquera pas aux contrats en cours.
Dès lors, la négociation de nouveaux contrats ou le renouvellement se fera dans un contexte plus équilibré et avec une meilleure protection pour les indépendants et PME.
Lire la proposition de loi visant à introduire le concept d’abus de dépendance économique