L’envoi de faux CV à Bruxelles : quelle est la plus-value du système ?

L'envoi du faux CV n'est pas la bonne approcheCela fait maintenant plus d’un an que l’inspection bruxelloise peut effectuer des tests anti-discrimination à l’embauche en envoyant de faux CV ou en passant des appels bidons auprès des entreprises. Quels sont les premiers résultats ?

Depuis janvier 2018, les entreprises bruxelloises sont les premières entreprises d’Europe à devoir subir de possibles usages de faux par l’inspection régionale ou un tiers au nom de la lutte contre la discrimination à l’emploi, et ce via deux procédés :

  1. le test de situation : l’inspection/un tiers transmet des fausses candidatures et de faux CV aux employeurs avec un critère « à risques » : l’âge, le sexe, un nom à consonance étrangère, un handicap, etc.
  2. l’appel mystère : l’inspection/un tiers se fait passer pour un client avec une demande discriminante à la clé.

L’objectif est de contrôler, à leur insu, les réponses et réactions des employeurs et de leurs salariés (exemple : un employé RH). Suivant la réaction, l’entreprise peut être poursuivie et condamnée pénalement. Cela peut impliquer un remboursement d’aides régionales, une amende ou même un emprisonnement.

Lutter contre les discriminations, oui, mais pas n’importe comment

L’UCM est active et volontaire dans la lutte contre les discriminations et prône la plus-value de la diversité au travail (cfer le plan Diversité) mais condamne fermement l’idéologie entourant l’usage de faux CV et d’appels mystère, et s’inquiète des conséquences de telles pratiques.

Nous insistons sur ces éléments depuis le début. Nous avons d’ailleurs été entendus au sein des Parlements régionaux (et écoutés en Wallonie, pas à Bruxelles ;-)).

De nombreux éléments continuent à plaider aujourd’hui contre ce système :

    • l’insécurité juridique entourant la notion – souvent floue – de discrimination,
    • le mécanisme de responsabilité partagée entre le travailleur et l’employeur lors d’un tel contrôle,
    • l’introduction dangereuse du principe d’usage de faux par les pouvoirs publics dans le contrôle de matières sociales et des rapports sociaux,
    • l’enjeu d’une approche globale et d’un accompagnement positif des entreprises, plus efficace sur le long terme,
    • la priorité donnée aux compétences et à la motivation lors d’un recrutement,
    • la perte de temps qu’entraîne ce type de test pour les entreprises,
    • l’impact d’autres réglementations, par exemple les barèmes liés à l’âge/ancienneté en cas d’embauche d’un travailleur plus âgé,
    • le chevauchement et la surcouche juridique manifeste avec le pouvoir fédéral, où une loi similaire est maintenant d’application depuis avril 2018 pour tout le territoire belge –dont Bruxelles- et avec davantage de balises.

Tout ça pour ça ?

Les premiers résultats ont été discutés au Parlement bruxellois fin janvier 2019 : pour l’année 2018, l’Inspection régionale de l’emploi a ouvert 15 dossiers. Dont 9 cas ont déjà été classés sans suite. La plupart concernaient le secteur de la vente au détail et une potentielle discrimination à l’embauche liée au genre.

Aujourd’hui, sur les 6 cas restants :

  • 1 dossier est toujours en cours d’instruction,
  • 1 dossier ne relevait pas de la compétence de la Région bruxelloise. Il a été transmis à l’inspection fédéral,
  • 1 dossier s’est clôturé par un pro justitia pour discrimination directe. Cependant, la preuve établissant la discrimination a été établie au moyen de techniques de recherche classiques et non par le biais d’un test de discrimination !
  • 3 dossiers contenaient une charge de la preuve suffisante pour adresser un avertissement.

La plus-value de ce système est très faible au regard des problèmes soulevés plus haut.

Suite à la mise en œuvre depuis avril 2018 d’une loi anti-discrimination au niveau fédéral qui prévoit également des tests de situation, l’UCM confirme sa position et demande au politique de prendre la décision courageuse mais logique de supprimer le texte régional et, si de telles pratiques doivent perdurer à l’égard des entreprises, qu’elles soient a minima coordonnées au niveau fédéral et régulées avec les secteurs professionnels.

La lutte contre les discriminations est primordiale, mais ne justifie pas toutes les pratiques. Elle doit avant tout passer par un travail de fond, qui doit être concentré sur la sensibilisation et la formation des uns et des autres, ainsi que par une responsabilisation commune.

L'auteur.e de cet article

David PISCICELLI
Conseiller au service d'études et spécialisé dans les matières sociales (emploi, formation et droit du travail), je défends les intérêts des entrepreneurs et PME dans ces domaines.
David PISCICELLI

David PISCICELLI

Conseiller au service d'études et spécialisé dans les matières sociales (emploi, formation et droit du travail), je défends les intérêts des entrepreneurs et PME dans ces domaines.

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