Prouver l’existence de prestations effectives du dirigeant pour déduire, cela veut dire quoi ? Faisons le point.
Depuis quelques années, le fisc invoque la théorie de la rémunération ou la nécessité de fournir la preuve que le montant des rémunérations du dirigeant correspond à la réalité des frais. En d’autres termes, prouver que la rémunération du dirigeant d’entreprise correspond bien à des prestations réellement équivalentes.
Cette tendance est confortée, notamment par la Cour de cassation (« arrêt du 15 octobre 2015, deux arrêts du 14 octobre 2016) qui confirme que le paiement des rémunérations doit correspondre à des prestations effectives du dirigeant.
Autrement dit, il n’y a pas de lien automatique entre l’octroi d’un avantage de toute nature (ATN) par une société à son dirigeant et la déduction au titre de frais professionnels des coûts s’y rapportant dans le chef de la société. Le rejet de déduction se traduit par une dépense dite non admise (DNA) dans le chef de la société.
Un exemple : le démembrement d’un bien immeuble en usufruit et la nue-propriété
Il n’est pas rare que l’usufruit soit acquis par la société et la nue-propriété par son gérant. La société décide de mettre à la disposition de ce dernier une partie de l’immeuble à des fins privées. Le gérant est donc taxé sur cet avantage dont la société demandera la déduction.
Sur cette question, la doctrine est cependant divisée en au moins trois tendances :
- Le contribuable ne doit pas prouver l’effectivité des prestations mais uniquement la preuve que les rémunérations ont été payées au moyen de factures ou autres documents comptables. L’article 49 du code des impôts sur les revenus (CIR) ne porte que sur l’effectivité et le montant des frais et pas à l’effectivité des prestations.
- L’article 49CIR prévoit de démontrer l’effectivité des prestations mais la présentation d’une convention non simulée et d’une facture suffisent. Pour rejeter la déduction, le fisc devrait démontrer la simulation de la convention.
- L’article 49CIR prévoirait une condition de preuve de la réalité des prestations.
Pour rappel, l’article 49 CIR prévoit que sont déductibles les frais :
- Ayant un lien nécessaire avec l’activité professionnelle ;
- Faits ou supportés pendant la période imposable ;
- En vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables ;
- Dont la réalité et le montant doivent être démontrés.
L’administration fiscale essaie depuis plusieurs années de s’opposer aux acquisitions scindées et la déduction des frais y liés.
Précédemment, le fisc exigeait, en plus des conditions de l’article 49 CIR, que les frais soient en lien avec l’activité sociale de la société. La Cour de cassation a condamné cette position.
Selon une décision récente de la Cour de cassation, les frais déduits par le dirigeant d’entreprise doivent de plus être inhérents aux activités en tant que dirigeant au sein de la société et non à l’activité de la société (C.Cass, 21 septembre 2017). Dans cette affaire, la déduction de rémunérations versées par le dirigeant à des membres de sa famille seront déductibles dans son chef à condition de vérification de l’effectivité du lien prépondérant entre les prestations des membres de la famille et l’activité de la société.
Le débat s’est déplacé. L’administration fiscale exige désormais l’existence de prestations réelles en contrepartie de la mise à disposition de la partie privée de l’immeuble.
Suffit-il dès lors que les frais dont une société revendique la déduction soient repris, pour le dirigeant, comme ATN intégrés dans ses rémunérations imposables ? Pour la jurisprudence, c’est non.
La preuve de prestations réelles est à apporter par le contribuable. Chose pas nécessairement aisée : la simple comptabilisation d’un ATN et son imposition dans le chef du dirigeant étant insuffisante. Une société doit dès lors garder les preuves de l’existence de prestations effectives du dirigeant (par exemple une décision de l’AG).
L’UCM demande de faire preuve, en la matière, de discernement et de ne pas tomber dans une chasse aux sorcières.
Des balises au rejet de frais par le fisc existent comme l’interdiction du contrôle d’opportunité. Autrement dit, un contrôleur ne peut juger de l’utilité d’une dépense. Il peut, par contre, vérifier son côté raisonnable.
Le contribuable doit, de son côté, tenir compte des évolutions jurisprudentielles. Tout n’est pas déductible.
Il nous semblait important de faire le point sur la théorie de la rémunération, peu connue en-dehors des experts avertis.
L'auteur.e de cet article
- Chargée de Communication chez UCM depuis 2009 et aujourd'hui responsable de la communication politique. Je veille à mettre en lumière le travail et l'expertise des conseillers du service d'études, toujours au service des entreprises wallonnes et bruxelloises.