Une décision récente du tribunal de Bruges jette le doute. On est désormais en droit de se demander si l’on peut encore pratiquer ce sport national qui consiste à rechercher la voie la moins imposée.
La mesure générale anti-abus du code des impôts sur les revenus (CIR) n’avait encore généré aucune jurisprudence. Jusqu’au mois de février dernier, où le tribunal de Bruges s’est emparé d’une des dispositions fiscales les plus craintes par les conseillers fiscaux du royaume, l’article 344 CIR.
Que prévoit la mesure anti-abus de l’article 344 CIR ?
En résumé, ce qui est avant tout stigmatisé, ce sont les constructions juridiques purement artificielles lorsque :
- l’opération ne poursuit pas les objectifs économiques que sous-tend la législation fiscale ou ;
- l’opération est sans rapport avec la réalité économique ou ne se déroule pas dans les conditions commerciales ou financières du marché, dans le but d’obtenir un avantage fiscal ou d’éviter l’impôt dû. Sont notamment visées les filiales ou sous-filiales « boîtes aux lettres » ou « écrans ».
Il appartient au contribuable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d’actes juridiques se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éviter les impôts sur les revenus, sous peine de requalification par l’administration fiscale.
Une jurisprudence constante de la cour de cassation, admet l’évitement licite de l’impôt ou « choix de la voie la moins imposée ».
Depuis les années 60, le fisc a essayé de mettre à mal la créativité du contribuable belge en la matière. En 2012, le secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude de l’époque, John Crombez (Sp.a), a fait rentrer dans la définition de l’abus de droit les constructions artificielles dépourvues de substance économique. L’objectif est clairement de combattre les schémas fiscaux qui respectent bien la lettre de la loi fiscale, mais en violent l’esprit.
En quoi la décision du tribunal de Bruges change-t-il la donne ?
Dans sa décision du 19 février dernier, le tribunal de Bruges est saisi par la société holding Belinvest. Pour le tribunal, ce holding n’est qu’une sorte de coquille vide d’un point de vue économique et conclut à l’abus fiscal. Son seul objet étant de réduire à peu de choses l’impôt dû.
L’affaire en quelques mots :
- au lieu de détenir en direct une société opérationnelle et d’en sortir les réserves par le biais de dividendes – taxés à l’époque à 25 % et à l’heure actuelle à 30 % -, l’actionnaire apporte cette société en nature à une holding, qu’il contrôle lui-même;
- la société fait remonter des dividendes vers la holding. Au titre de revenus définitivement taxés (RDT), ils ne sont imposés qu’à hauteur de 5 % (un taux qui a depuis valsé à 0 %);
- la holding effectue une réduction de capital en faveur de son actionnaire, libre de taxe.
Le seul objet du holding est donc de réduire à peu de choses l’impôt dû. Aucune réalité économique derrière donc. Le tribunal requalifie donc, dans ce cas d’espèce, en distribution de dividendes avec un précompte mobilier à acquitter à la clé.
L’UCM conseille bien entendu toujours à ses membres d’appliquer et de respecter la loi. Par le recours à des incitants fiscaux, vous pouvez cependant en toute légalité choisir la voie qui vous fera payer moins d’impôts.
Ce que le tribunal de Bruges dit, sur base de l’article 344 CIR, c’est que la voie fiscale choisie ne peut vider l’esprit de la loi fiscale de sa substance. Elle doit s’appuyer sur une réalité économique.
Les coquilles vides sont à proscrire, sous peine de requalification fiscale
L’UCM insiste de plus pour que l’administration fiscale fasse un usage proportionné de l’article 344 CIR, à l’instar de notre proposition « administration PME friendly » pour une relation de confiance entre l’indépendant ou le chef de PME et l’administration fiscale.
Selon nous, il ne faut pas perdre de vue que la grande majorité des indépendants et dirigeants de PME que nous défendons ne se lèvent pas le matin pour faire la chasse au gain fiscal. Ils créent des activités ancrées dans l’économie locale, ainsi que des emplois durables.
L'auteur.e de cet article
- Chargée de Communication chez UCM depuis 2009 et aujourd'hui responsable de la communication politique. Je veille à mettre en lumière le travail et l'expertise des conseillers du service d'études, toujours au service des entreprises wallonnes et bruxelloises.