Forcément oui. Mais le soutien actuel de la Sécurité sociale est jugé inadapté par les 1.500 indépendants que nous avons interrogés. Explications.
Accident, hospitalisation, burn out, traitement d’un cancer,… ça reste peu évident pour un indépendant de stopper d’un coup toutes ses activités. Car, pour l’indépendant, c’est d’abord le futur de l’activité, de l’entreprise qui est en jeu. Le rôle de la Sécu est de l’accompagner et de le soutenir adéquatement en cas de grave problème de santé.
En Belgique, on compte annuellement chez les indépendants 13.000 cas d’arrêts-maladie indemnisés par la mutuelle, pour 410.000 dans le régime des salariés.
Oui, par leur statut social, les indépendants disposent à la fois d’une assurance soins de santé complète et d’une couverture légale indemnités en cas d’arrêt-maladie. Mais ce deuxième volet est nettement moins utilisé par les indépendants que par les salariés.
Pourquoi ? Que faut-il améliorer ?
Le Centre d’expertise incapacité de travail de l’INAMI a mandaté UCM et son homologue néerlandophone UNIZO de réaliser une étude sur le sujet. Ce qui a été fait fin 2016. Les résultats sont éclairants.
- Les indépendants se sentent en bonne santé (88 %) et consultent sans rechigner leur médecin. C’est très positif.
- Ils ignorent par contre en grande majorité ce que leur offre leur sécurité sociale en cas d’incapacité de travail : 58 % pensent ne pas pouvoir bénéficier d’un revenu de remplacement (indemnités payées par la mutuelle) et 72 % ignorent les possibilités d’être dispensés de cotisation sociale.
[bctt tweet= »Enquête : les #indépendants ignorent leur couverture indemnités » username= »UCMMouvement @UNIZOvzw »]
Ils sont aussi assez critiques par rapport aux indemnités :
- Les indemnités sont forfaitaires (1.168 € bruts par mois d’arrêt-maladie quel que soit le revenu). 73 % des indépendants voudraient plus de proportionnalité.
- Les indemnités ne sont payées qu’à partir du deuxième mois d’arrêt-maladie (premier mois = mois de carence). A leurs yeux, c’est injustifié (76%).
Santé personnelle et de l’entreprise : double priorité des indépendants malades
L’enquête met en évidence – et c’est fondamental – que la situation des travailleurs indépendants est tout autre que celle du salarié et de l’agent de l’Etat qui, après leur maladie, retrouvent relativement simplement leur job et leur revenu :
- Les indépendants donnent la priorité au retour rapide au travail (59 %) plutôt qu’au bénéfice d’indemnités (37 %).
- Suivre strictement la prescription médicale d’arrêt maladie ? 85 % des indépendants indiquent qu’ils ne le feront pas, pour seulement 4 % qui le feront. Les raisons invoquées sont, pour un indépendant sur deux, les conséquences financières (48 %) et la pression des clients et le risque d’en perdre (43 %).
- Et 42 % des indépendants indiquent ne pas avoir de solution pour faire assurer la poursuite de l’activité par un tiers (conjoint, personnel, associé,…).
[bctt tweet= »Enquête : les #indépendants intéressés par un congé-maladie mi-temps. » username= »UCMMouvement @UNIZOvzw »]
Pour l’indépendant, l’arrêt-maladie se joue en deux temps. Premier temps : durant l’arrêt-maladie, l’indépendant peut bénéficier d’indemnités. Le taux de remplacement est très faible en moyenne, mais c’est déjà ça.
Deuxième temps : la reprise de l’activité. C’est une préoccupation systématique majeure pour l’indépendant : il faut tout faire pour éviter de repartir de zéro. Cela demande une gestion minimale, des actions de maintenance certainement si l’activité est continuée par le personnel ou des tiers, cela demande des actions de fidélisation de la clientèle si c’est possible… Tout arrêter n’est souvent pas dans le domaine de l’envisageable. Ignorer cette réalité, c’est pour la Sécu rater la cible !
Des propositions réalistes mises sur la table par UCM et UNIZO
Le rapport que nous allons présenter ces prochains jours au Centre d’expertise de l’INAMI contient une série de recommandations. Voici les principales :
- Assurer une information directe de l’indépendant lorsqu’il tombe en maladie
Cela passe par le développement et l’utilisation optimale des flux automatisés via le Banque-carrefour de la Sécurité sociale, vers la mutuelle et vers la caisse d’assurances sociales. Cela permet aussi d’aller vers un octroi quasi automatique de la dispense de cotisations sociales et de l’assimilation. - Supprimer le mois de carence pour les indépendants confrontés à une incapacité de travail de plus d’un mois, via le doublement de l’indemnité pour le deuxième mois.
- Intégrer de la proportionnalité dans les indemnités, pour un meilleur taux de remplacement, donc une moins grande perte de pouvoir d’achat qu’aujourd’hui.
- Mettre en œuvre une possibilité de congé-maladie mi-temps, permettant à l’indépendant handicapé par la maladie de combiner une activité par définition réduite avec une demi-indemnité.
- Mettre en œuvre un « compte santé », soutien financier aux investissements en lien avec le bien-être de l’indépendant au travail et l’adaptation de son poste de travail en cas de ré-intégration.
L’étude et les demandes d’améliorations des indépendants ont été portées à la connaissance des ministres Willy Borsus (Indépendants) et Maggie De Block (Affaires sociales).
UCM et UNIZO continueront de marteler auprès d’eux toute l’utilité des mesures proposées : faire en sorte de soutenir les indépendants qui, face à la maladie, essaient de concilier les objectifs d’à la fois se soigner et à la fois préparer leur retour dans l’activité. Et ce n’est pas un simple cadeau aux indépendants. C’est une question d’équité et d’efficacité. C’est tout simplement la réponse la plus réaliste à apporter aux enjeux de santé !
Pour en savoir plus :
- Rapport de l’Etude UCM UNIZO « Les indemnités de maladie et invalidité des travailleurs indépendants : pratique actuelle et demandes d’amélioration », pour le Centre d’expertise de l’incapacité de travail de l’INAMI, mai 2017
- Statistiques de l’INAMI en matière d’indemnités
L'auteur.e de cet article
- La sécurité sociale des travailleurs indépendants reste un levier important pour développer l'entreprenariat. J'écris ici, avec le Service d'Etudes, pour défendre les intérêts des indépendants en matière de pensions, de droit passerelle, d'assurance maladie-invalidité,... N'hésitez pas à réagir et à commenter.
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